Boukhara - Zindan
Le zindan de Boukhara : un chapitre sombre de l’histoire
Le terme « zindan » vient du persan et signifie « prison », « cachot » ou « souterrain, dans l’obscurité ». Dans la ville historique de Boukhara, il désignait une prison tristement célèbre, construite au 18e siècle à l’angle nord-ouest de l’ancien Shahristan. Le Zindan de Boukhara n’était pas seulement un lieu d’incarcération, mais aussi un symbole de la pratique du droit pénal et de l’exercice du pouvoir dans l’émirat de Boukhara.
L’architecture de l’horreur
Extérieurement, le Zindan ressemblait à une petite forteresse dont les murs massifs offraient une protection contre les évasions tout en cachant la cruelle réalité de la vie à l’intérieur. Le complexe était divisé en deux zones principales : Dans la première zone se trouvaient plusieurs cours autour desquelles étaient disposées les cellules. C’est là que se trouvaient les prisonniers ayant commis des délits moins graves. La deuxième zone était bien plus terrifiante : on y trouvait des fosses profondes dans lesquelles on descendait les criminels – un lieu qui mérite amplement le nom de « Zindan ».
Une partie particulièrement tristement célèbre du Zindan était ce que l’on appelait le « trou noir » : un puits sombre d’environ six mètres de profondeur dans lequel les prisonniers étaient descendus au moyen d’une corde. Ils y patientaient dans des conditions inimaginables, souvent avec seulement des rations alimentaires minimales, descendues au moyen de cordes. L’obscurité, la promiscuité et l’isolement faisaient de ce lieu un synonyme de souffrance humaine et de désespoir.
La justice de l’émir
Il n’existait que deux zindans à Boukhara : l’un à l’intérieur de la forteresse d’Ark, destiné principalement aux prisonniers politiques, et le zindan situé à l’extérieur, qui abritait principalement des criminels. Deux fois par mois, les détenus du zindan extérieur étaient amenés sur la place du Registan, devant l’Ark. C’est là que l’émir en personne rendait la justice. Devant les citoyens rassemblés, il décidait de la vie ou de la mort, de la grâce ou de l’exécution. Ces rituels ne servaient pas seulement à rendre la justice, mais aussi à démontrer le pouvoir et à intimider la population.
Les châtiments allaient de la flagellation et de l’amputation à des exécutions cruelles. Selon les rapports, certains condamnés étaient jetés vivants dans le « trou noir », d’où il était souvent impossible de s’échapper. Il n’était pas rare que la mort y survienne par la faim, le froid ou l’asphyxie.
La vie quotidienne au Zindan
La vie au Zindan était marquée par une dureté inimaginable. L’obscurité, l’humidité et le froid régnaient dans les cellules. La nourriture était rare et les conditions d’hygiène catastrophiques. Les maladies se propageaient rapidement et les détenus étaient souvent contraints de vivre dans des conditions inhumaines. Dans les fosses les plus profondes du Zindan, il était presque impossible d’apercevoir la lumière du jour. Même dans les « meilleures » cellules, les prisonniers souffraient du manque d’air frais et d’eau propre.
Certaines sources rapportent que des prisonniers perdaient la vue dans l’obscurité, tandis que d’autres mouraient de faim ou de maladie. Les quelques chanceux qui ont quitté le Zindan vivants étaient souvent brisés et marqués à vie.
Un lieu de mémoire
Aujourd’hui, le Zindan abrite un musée qui documente la justice pénale et les conditions de détention dans l’émirat de Boukhara au 19e et au début du 20e siècle. Plusieurs salles d’exposition abritent des figurines réalistes représentant des prisonniers ainsi qu’une chambre de torture avec d’authentiques instruments de torture. Les visiteurs obtiennent un aperçu oppressant des méthodes cruelles de punition et des conditions de vie difficiles des détenus.
La tombe du prisonnier très vénéré « Koutchkar-Ata », datant du 8e siècle, présente un intérêt particulier sur le site. Elle ajoute une dimension spirituelle au zindan et illustre le lien étroit entre religion et histoire à Boukhara. La tombe est visitée par des croyants qui viennent y chercher protection et guérison – un contraste avec les sombres souvenirs de souffrance et de mort évoqués par le reste du Zindan.
Un mémorial de l’histoire
Le Zindan de Boukhara est plus qu’une prison historique – c’est un symbole des temps sombres du règne de l’arbitraire et des pratiques pénales cruelles. Aujourd’hui, elle sert de mémorial, rappelant aux visiteurs la brutalité des temps passés tout en reflétant l’histoire riche et complexe de cette ville légendaire. Dans les fosses sombres et les murs aux allures de forteresse, les cris du passé résonnent et rappellent que la liberté et la justice sont des biens précieux qu’il faut toujours préserver.