Khiva - Medersa Muhammad Aminkhan
La Medersa Muhammad Aminkhan à Khiva : un chef-d’œuvre d’architecture et d’éducation
« Par la volonté du Tout-Puissant, sur ordre du sultan de son temps, Abulgazi Muhammad Aminkhan ibn Allakulikhan (que sa tombe soit illuminée), en disant qu’elle soit un lieu de miséricorde, a construit cette médersa bénie à Khiva, date du Hégire 1270 (1854) ».
Cette commande solennelle, prononcée en 1854, a conduit à la construction de l’un des édifices les plus somptueux et les plus importants de Khiva : la médersa de Muhammad Aminkhan. Ce chef-d’œuvre architectural n’est pas seulement le symbole de la sagesse et de la dévotion religieuse de l’époque, il témoigne également du haut niveau de savoir-faire des bâtisseurs de l’époque et de l’apogée culturelle de Khiva.
Classification historique et signification
Sous le règne de Muhammad Aminkhan (1850-1855), Khiva connut une période de développement culturel et politique important. A cette époque, il existait au total 64 médersas dans la ville, mais la plus grande et la plus belle était celle fondée par Muhammad Aminkhan (en dialecte « Madaminkhan »). Cette médersa est l’une des rares à avoir été parfaitement préservée jusqu’à aujourd’hui et constitue un véritable chef-d’œuvre de l’architecture et de l’enseignement islamique.
La médersa se trouve dans la partie ouest de la ville historique d’Ichan-Kala, à droite de la porte principale Ata-Darvaza, et reflète les méthodes de construction particulières de l’époque. Ses dimensions, sa symétrie et sa conception artistique en font un exemple exceptionnel de l’architecture d’Asie centrale.
Architecture et construction
La médersa a été construite en briques cuites, ce qui garantissait une qualité de construction élevée pour l’époque. Les murs ont une épaisseur de 1,5 mètre, ce qui permettait à la fois de se protéger de la chaleur extrême des mois d’été et de créer une structure stable. La médersa s’étend sur deux étages et comprend 130 pièces (hudjras) qui servaient de cellules d’habitation aux étudiants. Ces pièces accueillaient un total de 260 étudiants, ce qui entraînait une forte densité et donc une expérience éducative intense pour les étudiants.
La construction de la médersa a débuté au cours de la quatrième année du règne de Muhammad Aminkhan, en 1851, et a été achevée en trois ans. La direction des travaux fut confiée à l’expérimenté Bekniyaz Diwanbegi, qui dirigea la construction sous la supervision de Muhammad Karim de Diwan. Des maîtres célèbres de Khoresm furent chargés de la construction, ce qui permit de doter la médersa de certaines des meilleures techniques de construction et d’éléments artistiques.
Outre la médersa elle-même, on commença également à construire un minaret qui était autrefois considéré comme l’un des plus hauts de son genre. Les poètes de l’époque comparaient le minaret inachevé à une « colonne soutenant la coupole du ciel », ce qui souligne son allure monumentale et son importance dans l’histoire de l’architecture.
Le bâtiment et son aménagement
La médersa est construite de manière symétrique et suit un plan rectangulaire. Elle comprend une cour intérieure spacieuse, entourée par les ailes du bâtiment. Aux quatre coins du complexe se trouvent les tours d’angle caractéristiques de Guldasta, qui enrichissent encore l’aspect architectural.
Le portail central de la médersa, décoré de beaux carreaux de majolique, est particulièrement frappant. Ces carreaux ornent la façade et portent des inscriptions arabes en écriture nasta’liq qui font l’éloge des constructeurs de la médersa. L’entrée de la médersa et le portail lui-même sont ornés de décorations élaborées, typiques de l’architecture de cette époque.
Derrière la façade principale se trouvent un minaret à cinq coupoles, une mosquée d’hiver, un auditorium et diverses pièces annexes qui servaient à la fonctionnalité du bâtiment. Il convient de souligner les deux tours situées de part et d’autre du portail central, qui confèrent au bâtiment une majesté supplémentaire.
Les pièces du premier étage servaient à la fois de logements pour les étudiants et à des fins économiques. Le deuxième étage, également doté de loggias voûtées, offrait aux habitants une vue ouverte sur la cour intérieure et conférait à la médersa une qualité esthétique particulière.
La cour intérieure est bordée de quatre petits portails décorés de carreaux de majolique dans le style typique de Khiva. Sous ces carreaux se trouvent des inscriptions calligraphiées en écriture arabe Thuluth, qui soulignent en outre l’importance religieuse et culturelle du bâtiment.
Les ouvertures des fenêtres de la médersa sont dotées de grilles panjara traditionnelles qui, en plus d’être fonctionnelles, permettent à la lumière de pénétrer dans les pièces intérieures d’une manière unique. En outre, une couche d’étanchéité en pierres de montagne a été posée dans la partie inférieure des murs afin de garantir la stabilité du bâtiment.
La medrese, centre d’éducation et de culture
La médersa de Muhammad Aminkhan n’était pas seulement un chef-d’œuvre architectural, mais aussi un important centre d’éducation. Les 130 pièces (hudjras) servaient de logement à 260 étudiants, chaque pièce étant conçue pour 2 ou 3 élèves. La médersa disposait de sa propre base agricole, financée par des bâtiments waqf (une fondation de droit islamique). Ces bâtiments waqf s’étendaient sur 32.525 tanaps et les revenus qui en découlaient étaient distribués aux étudiants et aux employés de la médersa.
L’enseignement dispensé dans la médersa était complet et variait en fonction de l’étape du processus éducatif. L’enseignement se déroulait en trois étapes : le niveau primaire, le niveau intermédiaire et le niveau supérieur. Le premier niveau (Adno) enseignait des matières fondamentales telles que la grammaire arabe, la logique, les rites religieux et la littérature. Les niveaux supérieurs se concentraient sur des sujets scientifiques plus profonds tels que la logique (Tahsib), la théologie (Ilohiyot) et la jurisprudence.
Tout fils de musulman ayant atteint l’âge de 15 ans pouvait être admis dans la medrese, à condition qu’il sache lire et écrire. La médersa a soutenu un certain nombre de personnalités importantes telles que des poètes, des historiens, des calligraphes et des érudits qui ont eu une influence considérable sur la vie intellectuelle de la région.
Outre les études scientifiques, la medrese était un lieu d’importance religieuse et culturelle qui abritait également le tribunal suprême (Qadi) de la région. La médersa abritait une grande bibliothèque qui permettait aux étudiants d’accéder à des écrits précieux et à des ouvrages scientifiques.
La médersa de Muhammad Aminkhan est un exemple exceptionnel de l’architecture et de la culture éducative du 19e siècle à Khiva. Sa construction, qui constitue une prouesse à la fois technique et esthétique, a été rendue possible par la volonté d’un souverain visionnaire qui accordait une grande importance à l’éducation tant religieuse que scientifique. La médersa n’est pas seulement un monument architectural, mais aussi un symbole de l’âge d’or des sciences islamiques et du lien profond entre l’éducation et la vie religieuse en Asie centrale.
Le bâtiment reste à ce jour l’un des monuments culturels les plus précieux de la région et attire chaque année de nombreux visiteurs et érudits du monde entier qui viennent admirer l’importance historique et l’architecture exceptionnelle de la médersa.