Chakhrisabz - Ak Saray palais
Palais Ak Saray à Chakhrisabz – La ville émeraude et Un héritage d’Amir Temur
Chakhrisabz, la « ville verte », est l’une des plus anciennes et des plus importantes villes historiques d’Ouzbékistan. Nichée dans des jardins luxuriants et entourée de montagnes majestueuses, Chakhrisabz s’est étendue au-delà de ses frontières médiévales, mais son âme reste vivante dans les glorieuses créations des architectes des 14e et 15e siècles. Parmi ces édifices, le palais Ak-Saray se distingue particulièrement – un symbole de la puissance et de la splendeur d’Amir Temur, le conquérant et souverain légendaire.
Chakhrisabz – la ville natale d’Amir Temur
Chakhrisabz est surtout associée à Amir Temur (Tamerlan), qui y est né en 1336. Cette ville lui a servi non seulement de lieu de naissance, mais aussi de symbole de sa vision et de son pouvoir. Il voulait transformer Chakhrisabz en un centre d’architecture et de culture qui surpasserait même les plus somptueuses villes de l’époque.
Un pays, une ville ou un village est souvent connu grâce à un emblème ou un événement historique exceptionnel. Pour Chakhrisabz, cet emblème est sans aucun doute le palais Ak-Saray, le projet de construction le plus ambitieux de Temur. Le nom « Ak-Saray » signifie « Palais blanc », ce qui fait référence à son apparence autrefois éblouissante.
La construction du palais Ak-Saray – une merveille d’architecture
La construction du palais Ak-Saray a débuté en 1380 et a duré plus de deux décennies. Pour ce faire, Temur fit venir à Chakhrisabz 50.000 artisans, ingénieurs et artistes capturés dans différentes régions de son immense empire – dont le Khoresm, l’Iran, l’Irak et le nord de l’Inde.
Le palais a été construit sur un champ dénudé afin de le rendre visible de loin. Temur voulait que ce bâtiment soit le plus grand et le plus somptueux du monde – un symbole insurpassable de son règne. Il existe même une légende selon laquelle du sable doré aurait été utilisé pour les premières briques de l’édifice royal afin d’en souligner la magnificence.
Légendes autour de la construction du palais Ak-Saray
De nombreuses légendes entourent la construction de l’Ak-Saray, reflétant le génie des architectes de l’époque et la détermination d’Amir Temur.
L’épreuve de la détermination du souverain
L’une des histoires les plus connues est celle du principal architecte que Temur a convoqué pour concrétiser sa vision d’un palais sans précédent. L’architecte demanda l’autorisation de pénétrer dans le trésor public et commença à fabriquer des blocs pour les fondations en argile mélangée à de l’or.
Voyant que Temur n’hésitait pas à utiliser ces précieux blocs pour la construction, il les brisa et ramena l’or au Trésor. Lorsque Temur lui demanda avec étonnement pourquoi il avait fait cela, l’architecte répondit :
« Je voulais m’assurer que votre décision de construire ce magnifique édifice était inébranlable. Une telle œuvre nécessite d’immenses ressources et du dévouement ».
Ces paroles ont impressionné le souverain, qui a alors débloqué toutes les ressources disponibles pour la construction.
La disparition de l’architecte et la chaîne suspendue
Une autre légende fascinante raconte qu’une fois les travaux de construction principaux terminés, Temur attendait impatiemment que les maîtres d’œuvre commencent à décorer le palais avec art. Mais la décoration avec des mosaïques et des majoliques a pris un retard inhabituel.
Lorsque Temur, furieux, envoya chercher le maître d’œuvre en chef, il s’avéra qu’il avait disparu. Il ne restait qu’une chaîne suspendue au milieu de l’entrée principale monumentale.
Un certain temps s’est écoulé avant que l’architecte ne réapparaisse soudainement. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il commença la décoration élaborée du palais. Temur demanda des explications sur sa mystérieuse disparition. L’architecte répondit :
« Je n’ai pas osé désobéir aux ordres du souverain. Mais une construction aussi magnifique doit d’abord se poser et s’ancrer solidement dans le sol, sinon toute la décoration serait détruite. J’ai attendu que le bâtiment se stabilise ».
Cette clairvoyance intelligente impressionna Temur, qui loua le maître pour son génie. En souvenir de cet épisode, Temur fit graver la fameuse inscription sur le portail du palais :
« Si vous doutez de notre puissance, regardez nos constructions ».
Les dimensions gigantesques du palais d’Ak Saray
La taille pure du palais était exceptionnelle, même pour l’époque. Des recherches et des études archéologiques ont montré que la cour avant à elle seule mesurait 250 mètres de long et 125 mètres de large, une surface comparable à celle d’un terrain de football moderne.
Le portail principal, couronné de créneaux en forme d’arc, atteignait une hauteur de 70 mètres, soit environ la hauteur d’un immeuble de vingt étages.
Les tours d’angle étaient encore plus imposantes et auraient atteint une hauteur d’au moins 80 mètres. L’arc d’entrée, l’une des structures les plus imposantes de son époque, avait une portée de plus de 22 mètres et était orné de mosaïques et de décorations en majolique très élaborées.
Les récits impressionnants des contemporains
L’une des plus importantes descriptions du palais a été faite par Gonzalez de Clavijo, l’ambassadeur du roi de Castille, qui a visité le palais Ak Saray en août 1404. Dans ses notes, il a décrit le palais comme l’une des architectures les plus grandioses qu’il ait jamais vues :
« Le palais a une entrée très longue et des portes très hautes. A droite et à gauche se trouvaient des arcs en briques, décorés de carreaux de faïence aux motifs variés. Sous ces arcs se trouvaient de petites pièces sans portes, avec des sols carrelés de manière artistique. Elles servaient à ce que les gens puissent s’y asseoir lorsque le souverain était présent ».
Derrière la porte principale, il y en avait une autre qui menait à une grande cour. Celle-ci était pavée de dalles de marbre blanc et entourée de galeries richement décorées. Au centre de la cour se trouvait un grand étang qui reflétait l’ensemble de l’architecture et créait une atmosphère de luxe et d’harmonie.
« C’est par cette cour que l’on accédait à la plus grande pièce du palais, qui comportait une immense et haute porte, décorée d’or, d’azur et de faïence, le tout magistralement travaillé. Au-dessus de cette porte, il y avait une image d’un lion face au soleil – l’emblème du souverain de Samarcande ».
La fonction du palais – centre du pouvoir et de la culture
Le palais Ak Saray ne servait pas seulement de lieu d’habitation et de repos pour le souverain, mais était également un important centre administratif de l’empire.
- Dans l’axe de la cour se trouvait une salle couverte d’une coupole dans laquelle se réunissait le Diwan, le conseil d’État.
- De chaque côté de la salle principale se trouvaient des salles plus petites utilisées pour les délibérations des plus hauts dignitaires de l’empire – les tavajibeks et les divanbeks.
- Le harem était particulièrement impressionnant, avec ses ornements luxueux et ses magnifiques mosaïques.
- Devant le harem se trouvait un jardin ombragé, traversé par des étangs recouverts de carreaux artistiques.
Un Havuz (réservoir d’eau) situé sur le toit du palais constituait un point d’orgue architectural exceptionnel. De là se déversait une eau en cascade qui alimentait un système complexe de ruisseaux et de fontaines – une prouesse technique pour le 14e siècle.
L’eau était acheminée par un canal en plomb depuis le col de montagne de Takhtakaracha, ce qui faisait honneur au savoir-faire des ingénieurs de l’époque timouride.
Le déclin du palais Ak-Saray
Bien que le palais d’Ak Saray ait été construit pour l’éternité, il a été victime de l’instabilité politique et des luttes de pouvoir en Asie centrale.
La tradition attribue sa destruction à l’émir de Boukhara, Abdullakhan II, qui, lors d’un siège de Chakhrisabz, a donné l’ordre de détruire les somptueux édifices de Temur et de ses descendants.
Malgré cette dévastation ciblée, le palais n’a pas pu être complètement anéanti. Au fil des siècles, il a continué à se détériorer jusqu’à ce qu’au 19e siècle, il ne reste que les pylônes monumentaux et une partie de l’arche principale.
Les derniers vestiges conservés – pylônes et mosaïques
Aujourd’hui, il ne reste de ce qui fut le plus grand palais d’Asie centrale que deux pylônes colossaux qui flanquaient autrefois le portail d’entrée principal.
- Même dans leur état de ruine actuel, ces pylônes atteignent encore une hauteur de 38 mètres.
- L’arc monumental d’origine, qui s’est effondré il y a environ 200 ans, était le plus grand de son genre en Asie centrale.
- La portée de l’arc était de 22,5 mètres – un chef-d’œuvre d’ingénierie médiévale.
- La mosaïque artistique que l’on peut encore voir aujourd’hui sur les ruines se distingue par une palette de couleurs filigrane et complexe.
Les parties conservées du palais sont si monumentales que même aujourd’hui, elles correspondent à peu près à la hauteur d’un immeuble de dix-huit étages.
Le palais Ak-Saray, symbole de pouvoir et de culture
La construction du palais Ak-Saray s’inscrivait dans la vision d’Amir Temur de faire de Chakhrisabz la capitale non seulement politique, mais aussi spirituelle du Mawara’unnahr.
Outre le palais, Temur a également fait construire les importants complexes commémoratifs Dorus-Saodat et Dorut-Tilovat. Ceux-ci devaient renforcer l’importance spirituelle et culturelle de la ville et la conforter en tant que centre d’érudition islamique.
Travaux de restauration et patrimoine mondial de l’UNESCO
Aujourd’hui, des archéologues et des historiens travaillent à la restauration et à la stabilisation des pylônes du portail du palais, afin de préserver pour la postérité les derniers vestiges de ce monument grandiose.
Chakhrisabz a été classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2000, et le palais Ak-Saray reste l’un des sites historiques les plus importants d’Ouzbékistan.
Bien plus qu’un simple chef-d’œuvre architectural, le palais Ak-Saray était le symbole du pouvoir illimité d’Amir Temur et de son ambition inlassable.
Bien qu’il n’en reste que des ruines, la grandeur de ce bâtiment impressionne encore aujourd’hui. Les visiteurs de Chakhrisabz peuvent admirer les vestiges d’un palais qui était autrefois considéré comme l’édifice le plus somptueux d’Asie centrale – un témoignage impérissable d’une époque glorieuse.
Outre le palais Ak Saray, Chakhrisabz abrite d’autres monuments importants, dont :
- Le complexe Dorut-Tilovat, un mausolée et une médersa où le père de Temur a été enterré.
- Le mausolée Dorus-Saodat, dans lequel était à l’origine enterré le fils aîné de Temur, Jahangir.
- La mosquée Kok-Gumbaz, une magnifique mosquée datant de l’époque d’Oulough Beg, le petit-fils de Temur.
Si vous vous rendez en Ouzbékistan, ne manquez pas de visiter Chakhrisabz et le palais Ak Saray, afin de vivre de près l’histoire, les légendes et la gloire impérissable de cette ville unique.